vendredi 18 mai 2012

Un jour on a tué Troy Davis et j'ai pleuré sur le vide.

21 Septembre 2011.

Il aurait tué, alors on le tue. Une vie pour une vie, c’est comme ça que ça marche. Un dossier que l’on ferme, une phrase ou deux jetées en pâture aux médias, à une salle de cravates. Quelques mots, et une seringue qui laisse quinze minutes à un homme pour se voir mourir. Quinze minutes, et un homme qui vivait.
 Ils se fichent de ces dix ans d’attente, et de ces preuves qui se sont effritées avec les jours. Ils se fichent de l’énorme doute qui a poussé des milliers d’américains dans la rue, et ils se fichent que partout dans le monde on appelle ce doute « injustice ». Il y avait eu Odell Barnes, il y a eu Troy Davis, et demain il y aura quelqu’un d’autre.
Une vie pour une vie, l’équation la plus bête du monde, et ces assassins en costume ne jurent que par elle. Ils sont du bon côté du bureau, du côté d’où l’on peut se passer de réponses, d’où l’on peut taire les questions. Une vie pour une vie. Comme chez Cro-Magnon, comme au Moyen-Âge, comme dans  « Il était une fois dans l’Ouest ». Comme aux Etats-Unis, comme en Géorgie, comme dans toutes ces parties du globe où une poignée de fous se sont accordé le droit de tuer. Ils ont de bonnes raisons, ils sont la « justice ».
Quel dommage, qu’ils aient compris que ce mot était si pratique pour en cacher d’autres…  Il n’y a pas de vengeance, pas d’exécution pour l’exemple, pas d’innocents dans les salles d’attente de la mort. Seulement leur justice, celle d’un meurtre qui en punit un autre.
Et ce matin, j’ai pleuré. Ce matin, à la radio, il y avait Troy. Son calvaire, son combat et celui de tous ces gens qui ne voulaient jamais avoir à apprendre sa fin. Ses mots, surtout : « May God bless your souls.». Je ne suis pas comme lui. Pas capable de pardonner que l’On ne soit pas intervenu pour raisons diplomatiques. Pas capable d’accepter que l’on n’ait pas prêté plus d’attention aux résultats bancals de l’enquête. Pas capable de comprendre comment, pleins de belles valeurs et de bonnes intentions, ils perpétuent l’une des lois les plus primitives du monde : la loi du Talion.
Mais il a dit qu’il fallait y croire encore, que le combat continuait. Alors j’y croirai. Un jour, la Justice méritera son nom. Un jour, les hommes cesseront de se faire maîtres du temps, un jour, ils arrêteront de jouer à Dieu. Un jour, ils se rendront compte que personne n’a de droit sur la vie.






1 commentaire:

  1. "Un jour, ils se rendront compte que personne n’a de droit sur la vie."

    Sur ce point, sûrement qu'ils le savent déjà, mais le pouvoir les corrompt certainement. On parle de justice, mais en arrière-plan, c'est tout de même la société telle qu'elle est fondée qui juge l'individu ou le groupe qu'elle incrimine. La justice vise à être impartiale, mais les codes qu'elle applique sont tout de même établis par ceux qui détiennent le pouvoir.

    On ne peut pas parler d'injustice pénale sans parler d'injustice sociale, parce que souvent la société impulsée par l'Etat favorise la reproduction sociale des inégalités, notamment en ne faisant que des avancées à la marge. Le système éducatif en est l'exemple. Et la facade que les USA présentent au monde ("Country of freedom") n'y changera pas grand-chose.

    La figure emblématique que fut Martin Luther King Jr. le savait très bien, et tout au long des luttes qu'il menait avec ceux qui étaient de son côté, il ne visait pas plus de tolérance, plus de respect, plus de morale, mais avant tout des avancées majeures vers l'égalité des droits - en particulier économique - entre les "noirs" et les "WASPs". Parce que cela est la condition a minima de l'émancipation des classes discriminées, qui selon lui devaient s'unir pour lutter contre les injustices dans le cadre de la lutte civique. MLK avait dit un jour "I have a dream", mais souvent on ne se rappelle pas vraiment de la suite de son discours.

    Certes, les mentalités ont évolué depuis quelques décennies et de nombreux Etats les uns après les autres finissent par abolir la peine de mort, mais cela est tout de même le fruit des luttes menées, et les régressions peuvent toujours avoir lieu, suivant les formes et les directions que prend l'Etat.

    La suppression nécessaire de la peine de mort, pour autant, ne signifie pas que le système pénal dans son ensemble deviendra automatiquement moins répressif. Et même à l'égard de ceux qui ne sont pas incarcérés - les citoyens lambda "libres" -, la société peut être aussi bien d'un caractère violent et brutal et traumatisant, instaurer la banalité du mal, écarter du regard des autres la violence qu'elle fait subir aux plus démunis et/ou discriminés - immigrés, femmes, LGBTs, sans-abris, jeunes, etc... Tout ce qui est de l'ordre du préjugé y contribue.

    Je pense aux camps de rétention à travers toute l'UE, dont les médias parlent si peu, et où les conditions de vie sont extrêmement précaires, et où cette violence s'ajoute à celle qui est économique, comme en Grèce actuellement.

    Il y en a qui appellent à l'indignation. Certes, c'est une étape importante car après avoir pris conscience de ces violence, on cherche à se faire entendre. Mais le système répressif de l'Etat est encore là, la propagande domine, et même si les indignés sont conscients, la simple indignation ne sera pas suffisante. De toute façon, à un certain moment, on est poussé à désobéir, et déjà prendre les places, bloquer les usines, entre autres, sans en demander du coup l'autorisation est le début de la désobéissance et la marque d'une violence envers l'Etat en l'empêchant de fonctionner à des endroits clés. Le plus bel exemple, c'est celui de l'Argentine au début des années 2000, lors de la crise économique, lorsque les classes populaires n'en pouvaient plus et avaient fait tomber plusieurs gouvernements successifs qui pour certains n'ont duré que quelques jours.

    Troy Davis n'est plus de ce monde. L'injustice a été commise et reste irréparable, mais pour ce qui est du combat contre la peine de mort, de la refondation du système pénal, et de la lutte contre les inégalités sociales, tout reste à faire.

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