jeudi 9 février 2012

Trouve-nous!

Je te vois, encore, dans le bleu du verre, ombre transparente écumant les comptoirs blancs et or pour un sourire de feutre indélébile,  dont j’aurais dû marquer tes contours. Aujourd’hui il ne me reste que les crampes de ton rire, à toi.




On ne dit jamais autant « je t’aime » qu’à une ombre. Incantation au vide, formule de fumée, mots figés dans le silence de ceux qu’on ne voit plus et qu’on contemple pour l’éternité.  Réels. Plein de pas là, ne m’oublie pas. Absence, dis ton nom, et le monde est plein. On ne voit que toi, excentrique, capricieuse, gamine délaissée en manque d’existence. Tu fouilles, pilles, hantes d’étranges pantomimes, pinocchios entre tes doigts d’enfant. Folle, refrain de ceux que tu n’as pas encore volés.
Regarde. D’eux, tu fais des junkies usés, délavés, pâles reflets d’avant toi. Tu te fais vampire, recrachant leurs couleurs au visage de tes protégés. Lumineux, brillants de l’assurance du pour toujours, souvenirs tournant en ronde obsédante qu’aucun faux pas maladroit ne saurait briser. Les erreurs, c’est pour ceux que tu n’as pas pris. Les autres, les tiens, ils n’en font plus.
Insolente, dis-nous encore, que tu es celle qui décide. Avec qui tu danses, avec qui tu joues. Cache-cache, tu comptes. Cents ! Trouve-nous. Insolente, Narcisse improvisée vérifiant ton teint dans les pupilles de ceux que tu touches, toujours, tu gagnes. Insolente, tu te moques des défis de ceux qui restent, et qui ne vivent qu’à travers l’écho de tes désirs.
Absence, j’ai dit ton nom, mais ça n’a pas marché. J’ai dit « je t’aime » à chacune de tes ombres, avant de savoir. On ne t’apprivoise pas, on ne te conjure pas. Absence, inaccessible, familière, poupée désintéressée des âmes qui ne savent te comprendre. Haïe, tu redonnes à tes fantômes leurs sourires passés, présent implacable de ceux qui toujours regardent dans le bleu du verre, et que tu empoisonnes de ton inconstance. 


Photographie biodégradable et éphémère de Séverine Lenhard : http://silencenoir.blogspot.com/

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire